Les Pages Jèrriaises

La Trinntait


Messieurs de la Trinntait, avous bétôt fini,
De v'nin pour un rain, en Cour, vos egdachi,
De tout votre embarras nou ne fait pue qu'en rize,
J'avais, depie longtemps, envie de vos le dize,
Mais je vait qu'à la fin le moment est venu,
De vos dize en deux mots tout chain que j'ai connu.
Rain ne peut empêchi un homme, que je sache,
De s'entendre conté la vezitait en fache,
L'homme public ne dait pas jamais avé de peux,
De regardé, ses faits et gestes, en un mizeux,
Et pour mé je crait fort que chès du vrai gniolin,
Que de passé sa vie à se feze jaguin,
Et que sait pour Norman ou bain pour Messervy,
Y ne pazais pon bain de s'ent herquigny,
De passé la journais, du matin jusqu'au sé,
A s'entre rize au nais, ou à s'entre rouâblié.
Si au mains “Ou laviez votre linge en famille,”
Si ou n'êlourdiez pas tout le reste de l'Ile,
Au point que nou ne peut renconté un Jerriais
Qui ne vain demandé: “As-tu veu les Trinntais.”

A s'entre étiboqui nou n'y gagne pas rain,
Qu'il homme comme y faut peut trouvé chonna bain?
En politique, y faut savé se respecté,
Y ne faut pas trejous être à s'entre êlourdé;
Ou dévéziez savé que les gens de bon sens
Vos traitent justement come des grands êfants,
Et chacun de nous crait qui faut y mettre fin,
Car chonna duze au mains depie chu siècle ichin.

Je l'ai ouï dize à ma grand-mèze,
Que dès le temps des Maitinglé,
Y zurent une drôle d'affaize,
Y ne pouvaient s'entre enduzé,
Y se fêsaient tréjous bisquine
Et s'entre-fêsaient tous laie-mine
Au point qu'il arrivit un jour,
Après un sacrait tintamâre,
Y se flianquaient des patawâres,
La chose vint devant la Cour.

Après chonna, vint autre chose,
Ché fut le tour ès Emely.
Je n'entrézait pas dans la cause
Mais tout allait à bigue-bichi:
Aucun ne pouvait les comprendre,
Y se disaient “pièze que pendre,”
S'entre insultant, mais lestement!
Sait dans les clios, ou dans la rue,
A l'église ou à la quézue,
Depie le Nord à Diélament.

Ou vos en souvenais, peut-être,
Chonna ne date d'antan,
Quand pazu le Juge Le Maistre,
Et l'Connétable Gallichan,
Yen avait-ti de la varette!!
La paraisse ait en goguette,
Y zurent procès sue procès;
Hélas! quil énorme vacarme,
Nou failli même battre “a-larme”:
Chonna fit rize les Jerriais.

Pie vint Gaillard, homme estimable,
Charmant, aimable, et très-humain,
Aussitôt qui fut Connétable,
Tout fut changi, tout allait bain;
Vite nou li cherchi querelle,
Il allait trop à la Chapelle;
Sa religion n'était que teurs,
Y laissait tout entre les mains
Des Méthodistes Wesleyens,
Et de ses dix Prédicateurs. (*)

D'autres affaizes, que pour compte.
Je ne m'en vais pas dize un mot,
Mais yunne sûtout me fait honte,
J'entends, l'élection Cabot.
Il est bétôt temps de me tèze:
En le faisant, Messieurs, j'espèze
Que chacun seza satisfait,
Qu'il est grand besoin de réforme,
Et chès le seul voeu que je forme
Pour les Trinntais et la Trinntait.

 

L'Anmîn Flip



(*) Dans le temps, il n'y avait à Jersey que 27 prédicateurs Méthodistes, dont 10 desquels étaient natifs et habitaient la paroisse de la Trinité, c'étaient: William Howard, Jean Renaud, Philippe De La Haye, Pierre Lesbirel, Josué Norman, Philippe Norman, Jean Benest, Philippe Le Cornu, Charles Blampied (père), Charles Blampied (fils).

 

La Nouvelle Chronique de Jersey 25/12/1889
 

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