La Section de la langue Jèrriaise

L’enseignement de la langue normande dans les îles anglo-normandes

Un papi êcrit pouor eune conféthence à Lamballe au mais d'Octobre 2003


 

En 2004, Jersey – et les autres Îles de la Manche – marqueront 800 ans d'indépendance de la Grand' Tèrre. En parlant à des journalistes du Royaume Uni il y a une semaine, le Bailli de Jersey, chef de notre parlement, a commenté que 1204 signifie le commencement d'une identité nationale à Jersey. Je sais bien qu'il l'a dit – nationale - parce que j'étais là et c'était moi qui avais introduit le Bailli aux journalistes en Jèrriais.

Et il y a quinze jours, j'ai participé au lancement officiel en France des célébrations 1204-2004 à Trouville avec l'équipe de l'Office de Tourisme de Jersey – et bien sûr que j'avais parlé en Jèrriais.

Bien que la langue anglaise soit dominante à Jersey et à Guernesey depuis un siècle, on peut voir une croissance d'intérêt dans la langue nationale. Selon le recensement de 1989 il y avait 5,720 personnes qui parlaient le Jèrriais. Le chiffre a diminué depuis avec la mort de personnes agées – en 2001 le recensement a déclaré qu'il y avait 2,674 (3% de la population) locuteurs – mais une analyse des données révèle qu'il y a eu une croissance des chiffres parmi les jeunes pour la première fois depuis des décennies, et cela grâce au programme d'enseignement dans les écoles.

À Guernesey, le recensement a posé une question différente qui montre que 15% de la population a une connaîssance de la langue, mais la proportion qui parle la langue dans la vie quotidienne est au même niveau qu'à Jersey.

Il y a 5 ans, à la suite d'une demande de 780 familles souhaitant des cours du Jèrriais dans les écoles, les États de Jersey ont voté un budget pour l'enseignement facultatif dans les écoles primaires et chargé le Département d'Éducation de travailler en partenariat avec le Don Balleine, association pour la promotion du Jèrriais.

L'Office du Jèrriais a été fondé dans le Département d'Éducation et on a commencé le travail. On a été inspiré par nos homologues à l'Île de Man qui nous ont beaucoup aidé. La langue nationale de l'Île de Man est celtique, mais la situation constitutionelle et la taille de la population sont à peu près les mêmes qu'à Jersey et nos amis Manx ont fait des merveilles depuis la mort du dernier locuteur de langue maternelle en 1974. L'année dernière, nous avons visité une école primaire en langue Manx.

L'Office de la langue Manx nous avait offert leurs livres et matériaux pour en faire des adaptations – ce qui avait bein commencé notre travail à Jersey. Depuis, nous avons élaborés nos propres matériaux – et les Manx les ont adaptés à leur tour.

Mais pourquoi travailler avec les amis de l'Île de Man, si nos cousins de Guernesey sont plus près de nous? Il y a une rivalité entre les Îles, mais je dois le dire, et je crois qu'une majorité de Guernesiais l'admettrait, Jersey est en avance de Guernesey en ce qui concerne le maintien de la langue nationale. L'Office du Jèrriais a offert aux activistes du Dgèrnésiais – langue guernesiaise – nos matériaux pour être adaptés pour l'usage à Guernesey – mais les États de Guernesey n'ont pas encore offert le même soutien à leur langue que les États de Jersey. Il semble qu'un député guernesiais va prochainement proposer un projet au parlement guernesiais pour suivre l'exemple de Jersey.

En effet les autorités guernesiaises se trouvent dans une situation difficile dans le cadre du Conseil Britannique-Irlandais parce qu'ils ne sont pas capables de montrer des progrès avec la promotion officielle de la langue. L'une des provisions du procéssus de la paix en Irlande était la fondation d'une institution inter-gouvernementale pour représenter les parlements et administrations des Îles Britanniques – pas seulement des deux juridictions de l'île de l'Irlande – mais de tous les gouvernements de la République d'Irlande et du Royaume Uni et des territoires autonomes de la Couronne Britannique – c'est-à-dire Jersey, Guernesey et l'Île de Man. À part les questions environnementales, économiques, sociales, de transport, chaque gouvernement-membre doit offrir son expertise en langues régionales et minoritaires aux autres.

À la demande des États de Jersey, l'Office du Jèrriais a pris un rôle dans la provision d'information et de traduction pour ce travail inter-gouvernemental – et le rôle de l'Office du Jèrriais se développe dans la vie culturelle et commerciale de l'île.

Ceux qui veulent une traduction, ou un renseignement, peuvent s'adresser à l'Office, et nous avons pris la responsabilité pour les articles hebdomadaires en Jèrriais dans le journal de Jersey, et l'édition de la revue trimestrielle en Jèrriais.

Maintenant, nous sommes trois employés à plein temps à L'Office du Jèrriais et on emploie huit maîtres et maitrêsses à temps partiel – surtout des locuteurs de langue maternelle à la retraite. On offre une demi-heure du Jèrriais par semaine, emploi du temps imposé par un curriculum surchargé – mais le Département d'Éducation nous a demandé de dresser un plan pour un certificat d'études secondaires en Jèrriais – ce qui ne peut pas se faire en trente minutes par semaine.

À la demande des parents, l'étude du Jèrriais continue dans les écoles secondaires depuis trois ans, et cette année pour la première fois on a assez d'enseignants pour pouvoir offrir du Jèrriais dans toutes les écoles, des États et privées. Je dois expliquer que nous avons des écoles publiques payantes et que les écoles privées sont subventionnées par les États – mais les cours du Jèrriais sont offerts gratuits à toutes les écoles.

On encourage les parents d'assister aux cours avec leurs enfants, ce qui renforce l'usage de la langue à la maîson. Et on a remarqué que les chansons et les poésies sont entendues dans les bouches d'enfants à l'école qui n'ont jamais assisté à une leçon du Jèrriais.

Un tiers de nos étudiants dans nos classes a au mains un parent ou grand-parent qui parle ou comprend le Jèrriais, mais l'autre deux tiers n'ont personne dans la famille avec une connaissance de la langue. On a toutes les couleurs parmi nos mousses, et un grand nombre de la minorité portugaise de Jersey. On a aussi remarqué une tendance du côté des immigrés, surtout des fonctionnaires et professionels venant travailler à Jersey, qui inscrivent leurs enfants dans les classes du Jèrriais quand ils arrivent dans les écoles de Jersey afin d'intégrer dans la culture insulaire.

Donc on a pu présenter le programme d'enseignement du Jèrriais comme un élément important d'intégration sociale au sein du système d'éducation.

Autre fait intéressant: jusqu'à l'année dernière, les enfants de Jersey commençaient l'étude du français à l'age de 8 ans, et donc on introduisait le Jèrriais à l'age de neuf ans pour éviter les difficultés en commençant deux langues en même temps. À partir de cette année l'introduction du français est retardée à l'age de 9 ans, et on nous a obligé par conséquent de commencer le Jèrriais à l'age de 8 ans. Le résultat en est que maintenant le Jèrriais est la première langue après l'anglais dans les écoles de Jersey.

J'ai déjà parlé de l'Île de Man. La langue Manx a bénéficié de l'intérêt et d'un soutien actif de la part du gouvernement de la République d'Irlande, et des autorités galloises et écossaises, qu'y voient une langue celtique de la même culture que leurs pays qu'il faut sauvegarder. Nos homologues de l'Île de Man ont l'avantage d'un lien fort et une collaboration enthousiaste avec les départements d'éducation en Irlande, au Pays de Galles et en Écosse.

Pour nous dans les Îles de la Manche, on est plutôt isolé par comparaison. Si l'état français ne soutient guère ses langues régionales à l'intérieur de ses frontières, il est certain qu'il n'offre rien au normand insulaire.

Ce qu'on voudrait voir en Normandie continentale c'est une Office de la langue normande avec qui travailler, avec qui résoudre les problèmes de la néologie, avec qui faire la promotion de la langue normande dans toutes les territoires de la Normandie.

On semble retrouver un accueil plus chaleureux au Royaume Uni parmi nos collègues qui travaillent dans l'enseignement des langues celtiques et germaniques, qu'en France qui est dotée d'une richesse de langues romanes mais qui semble manquer une structure officielle comparable.

Je sais que la Charte Européenne des langues régionales et minoritaires, est comme toujours à la une en Bretagne, et je pourrais peut-être expliquer la situation actuelle dans les Îles Britanniques. La République d'Irlande n'a pas ratifié la convention pour la langue irlandaise – parce que l'irlandais est la première langue officielle de l'état, l'anglais n'est que la deuxième – et la convention ne s'applique pas aux langues officielles de l'état. Le Rouoyaume Uni a ratifié la charte pour le gallois au Pays de Galles, pour le gaélique écossais et le scots en Écosse, pour l'irlandais et le scots d'Ulster en Irlande du Nord, et pour le cornique en Angleterre. Le gouvernement de l'Île de Man a ratifié cette année la convention pour le manx. Et Jersey est en train d'étudier une ratification éventuelle de la convention pour le Jèrriais.

Dans les Îles Britanniques, cinq langues celtiques sont reconnues officiellement dans des différentes mesures, et trois langues germaniques (y compris l'anglais). Les trois langues normandes des Îles de la Manche – le Jèrriais, le Dgèrnesiais et le Sèrtchais – sont également des langues britanniques, les seules langues romanes des Îles Britanniques.



Même si les Îles de la Manche ne font pas partie de l'Union Européenne, nos langues sont certainement des langues européennes et nos littératures représentent un des petits trésors de l'Europe.

Sans doute qu'il faudra attendre un changement de politique linguistique en France pour que la vraie valeur de ces trésors soit reconnue par notre grande voisine.

Moi, je suis un sujet fidèle de Sa Majesté la Reine, Duc de Normandie, mais j'ose espérer, même après 800 ans d'indépendance, que les langues normandes des Îles de la Manche seront à l'avenir soutenues avec le normand continental en tant que des langues de France.


Geraint Jennings
2003
 

 

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