La langue indigène de Jersey, populairement Jerry, est un patois, curieux débris de notre langue romane, patois qui se retrouve sur la côte de France, dans le Nord du département de la Manche, avec les altérations nécessairement introduites par une longue séparation. Ce français, beaucoup plus voisin de celui de Froissard que de celui de notre époque, se compose surtout, par rapport à la langue française actuelle, d'archaïsmes dont l'étude serait fort curieuse et féconde, et d'onomatopées pittoresques, comme souvent en créent les hommes étrangers à la science, les laboureurs, les marins, les bergers. Le paysan de La Hague et celui de Jersey peuvent s'entendre entièrement et ils sont frères, s'il est vrai, comme le dit Charles Nodier, que la langue soit un des plus forts liens de la fraternité et de la nationalité. Toutefois il y a une différence de prononciation qui constitue le dialecte jersiais. D'ailleurs il s'est formé un langage hybride qu'on remarque spécialement dans les annonces des feuilles françaises de l'île et dont nous nous rappelons un spécimen que nous avons entendu dans un thé public au profit d'une école de village. L'homme qui versait le thé d'une grande jarre, s'écriait : "Oh! coume chenna (cela, en normand) va vite, c'hest déjà tout empty (vide, en anglais). Toutefois la correction est rare dans les écrits français à Jersey, et dès la premiere page d'un travail tout récent sur cette île, vous lisez : "Le Mont-Patibulaire est au Ouest de St.-Hélier."
Extrait de Jersey Monumental et Historique
E. Le Héricher
1862
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