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À Victor Hugo
À propos de son dîner de Noël à des enfants pauvres.
Puisque de nos jours le génie
Se fait le père des enfants,
Et qu'il lutte avec énergie
Pour les petits contre les grands,
Croyons donc à l'ère nouvelle,
Où l'humanité sans tutelle,
Libre dans l'âme et dans le corps,
Marchera vers ses destinées,
Que depuis si longues années
Elle poursuit de ses efforts.
Guernesey, rocher plein d'écule,
Où la mer, venant d'Occident,
Bat, comme le fer sur l'enclume,
Contre un granit de diamant,
Tu recèles le nid du cigne,
Qui brillant d'une gloir insigne,
A, dans ses chants mélodieux,
Versé, pendant toute sa vie,
Des flots d'amour et d'harmonie,
Qui montent de la terre aux cieux.
Du haut de cette île inconnue
Cet esprit, tout chargé d'éclairs,
D'un coup d'aile fendant la nue,
Rayonne au loin sur l'univers.
Il plane et sa noble pensée
S'incarne en toute âme froissée
Par les injustices des temps;
Il plane est sa voix charmeresse
Plonge dans une sainte ivresse
Les coeurs ravis par ses accents.
Puisse le cycle qui commence
Revoir dans peu Victor Hugo
En triomphe rentrer en France:
Que vainqueur le mâle drapeau
Des soldats de la République,
Portant la liberté publique
Dans ses plis de rouge saphir,
Le guide au congrès des idées,
Où seront à la fin fondées
Les bases de tout l'avenir.
Benjamin Colin
Jersey, 1er Janvier 1865
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Réponse de Victor Hugo à l'auteur de la pièce de Vers publiée dans la Chronique du 4 Janvier.
À M. Benjamin Colin, 15 Waterloo-Street, St.-Hélier, Jersey.
Hauteville House, 6 Janvier 1865.
Cher poëte, cher philosophe, je lis vos beaux vers dans la Chronique de Jersey. Ils me vont au coeur, une sympathie comme la vôtre est précieuse. Elle est la sympathie d'un penseur et d'un lutteur. On n'est pas citoyen sans être apôtre; la propagande est le devoir de la conviction; de là mes efforts dirigés à la fois vers la théorie sociale et vers la pratique démocratique. De là ma lutte, qualifiée par vous si éloquemment, pour les petits contre les grands.
Quand un hasard, heureux pour moi, vous amènera à Guernesey, vous me ferez l'honneur de vous asseoir à ma table et vous assisterez au dîner de mes petits enfans pauvres. Vous verrez mon bonheur, joie de mon exil.
Merci de vos nobles strophes, si élevées et si émues......
Je suis à vous du fond du coeur.
Victor Hugo
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