Poetry in Jersey - Adieu à Guernesey

Adieu à Guernesey

Le bateau va partir, car Jersey m'appelle,
Le brouillard se dissipe à l'horizon lointain;
L'aurore aux mille feux sur la mer étincelle
Et je respire en paix les parfums du matin.
Salut! St. Pierre-Port. Salut! ta vieille Église Gothique.
En même temps adieu à ce rivage pittoresque;
Salut! côteaux. Salut! Bibliothèque Priaulx, dite de Candie,
Où j'ai passé bien d'heureux moments de la vie.
Le bateau va braver l'onde et la plainte du vent.
L'hélice couverte d'écume pousse un triste gémissement.
Adieu élèves dont la vie a le charme de l'aurore,
Et dont l'âme a la fraîcheur des lilas;
Vous êtes jeunes, vous aimez, vous espérez encore;
Remords et désespoirs, je prie que vous ne les connaîtrez pas;
Que vos journées soient plutôt d'allégresse et de fête;
Je garderai de vous autre chose qu'un souvenir!
Tout s'efface, ce n'est que trop vrai qu'après le zephyr gronde la tempête.
De loin envoyez-moi de temps en temps des nouvelles de votre félicité,
Et je me souviendrai de ces beaux jours de votre jeunesse.
Comme un pâtre en Hiver se souvient de l'Été,
Vous, comme moi, fils du Nord, le Germain et le Dace,
Soyez toujours Guernesiais patriotes et fiers comme l'audace.
Livres latins en main, en traduisant je vous disais: “Où donc est ta couronne”
“Grande prostituée! O toi la Babylone et tes rois
“Qui tremblant, fuyaient à l'aspect d'une croix!”
En regardant la mer lorsque l'oeil la sonde
Dites à vous-mêm, je sens l'esprit de Dieu sur l'onde.
Mer incommensurable et dont l'immensité
Est l'image du ciel et de l'éternité.

(Et pis en pliat Jerriais!)

Adieu! Dites à M. le Connétable Collings dit Bonamy (i)
Que dans les Assemblées des chefs de famille de la pâraisse
Je ne pourrai pus y'vnir l'élourder et l'étibochi
Mais qui fait qui vos convoque “suivant la loi,” après la messe,
Et pas au ser. Ah! coumme je le fiis bisqué
Quand j'y'apprins à n'prendre jamais un Jerriais à r'bour pé.
A la préchaine, puetôt! La bouonne-femme et les enfants et mé
Seront touous ben aise de vos vais “for the sake, du temps passé,”
Car quand nous a yeu le toupé de se porter y'un de vos candidats Députais
Nou garde un petit coin dans le coeur pour les bontés que j'erêumes des Guernesiais.

Philippe Ahier
19, Chevalier Road, Jersey.
Ce 4 Juin 1902

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