Les Pages Jèrriaises

Habeas Corpus

A l'Editeur du Constitutionnel
Moussieu,

Je sis un poure ouvriy, que le sort a jetêt dans le fonds des carrières du Mont-Mado, pour y gangni sa vie et la chenne d'une nombreuse famille d'êfans (car touos les piquers en ont); et comme je n'ai pon un seul pouce de terre qui m'appartienne, si che n'est dans le Chimetière, je sis obligi d'accater tout che qui vain sus ma table ; il est don de la pus haute importance pour mé que les provisions ne renchérissent pon trop, ainchin je vos prie, Moussieu, d'avé la bonté de me dire si le "CORBUS"* éra comme nou le dit, l'effet de faire hauchir le prix des POMMES DE TERRE ET DU LARD ; et si chest vrai que l'EAU-DE-VIE et le GIN aussi ben comme le PTUN, s'en vont être prohibés en conséquence de CHT'ANNIMA-là qui n'avait que faire de s'envenin ichin pour y faire tant de vacarme. Mais depis que je sommes sus chu sujet là, ayiz la bonté de me dire si chu pente de "Corbus" est un homme, ou une femme, ou un boeu d'Anglièterre, ou qu'est que chest ; car les gazettes en pâlent assais; mais ils expliquent chonna d'une si drôle de manière que nou n'y connait goutte. J'ai ben veu sus vote Gazette que chez quique chose de ben terrible, et que chest LE PETIT SUEUX qu'en est la cause, mais comme nou ne peut pon se fier à toutes sortes de rapports, ous érez la bonté de nos en dire toutes les desfunérailles dans le CONSTITU de Samedi qui vain. Je sis, Moussieu, avec ben du respé, Votre serviteur,

UN PIQUER DE PIERRE
St.-Jean, le 6 Fév. 1845

*"L'HABEAS CORPUS,” et non le "CORBUS," n'est ni homme, ni femme, ni aucun animal quelconque, mais tout bonnement un Acte de Parlement tendant à libérer de prison ceux qui se croiraient emprisonné faussement ; ou pour mieux dire, c'est un espèce "d'Ordre de Justice" qui peut être servi dans cette ile par la Cour...

 

Le Constitutionnel 8.2.1845

 

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