Origine des Isles de la Manche

 

Poetry in Jersey

 

On nous contoit dans notre enfance
Toutes les merveilles du tems jadis
Qu-on marchoit de Jersey en France
Que les cochons couroient rôtis
Si tout cela vous pouvez croire
Ah! - mais qui pouroit en douter
C'est ausi vrai comme cet histoire
Qui-ci je vais vous raconter

Comment Jersey et Guernesey furent peuplés

Un certain jour un Evêque de Coutance
Se mit en route pour voir son Diocese
Et par lui même veut s'assurer d'àvance
De l'étendue ainsi que la richesse
Etant monté sur le haut d'une montagne
Il vit la mer à l'Ouest à l'horizon
Il crut bien voir des arbres et une campagne
Et il voulut en savoir la raison

Un vieux pêcheur lui dit cest une belle isle
Et à mer bâsse on peut bien y passer
Mais le pâssage est un peu difficile
On mèt une planche de rocher en rocher
Si monseignieur veut la voir par lui même
Je peux très bien le porter en bàteau
Je vous assure quelle en vaut bien la peine
Car le pays est boisé et très beau

Et notre Evêque s'embarqua ausitot
Car le pêcheur étoit un homme àdroit
Pour l'embarquer il le prit sur son dos
Sans le mouiller il passa le détroit
Après avoir bien éxaminé l'isle
Il dit vraiment cèst un très beau pays
De très beaux arbres et la tèrre est fertile
Quel-que pêcheurs y sont bien établis

Mais ce n'est pas àssez pour un tel lieu
Il envoya douze Prètres et leurs vàlèts
Prendre posession et pour la gloire de Dieu
Bâtir Eglises et maisons et chàlèts
Ils diviserent l'isle en douze en paroisses
Prés chaque Eglise s'établit un village
Mais deux valèts, enclins à la pârèsse
Se querellerent, se bàttirent avec rage

L'un tuà l'autre, et le voila bien mort
Le meurtrier fut saisi à l'instant
Les Prètres s'assemblent et d'un commun accord
Décident de pendre un pareil mécréant
Comme ils n'avoient la ni cour ni boureau
On décida que les dix autres vàlèts
Passant une corde sur la branche d'un Ormeau
Tireroient tous desus jusqu-a décès

C'étoit àfin quil ni eut pas reproche
Mais apprenez ce qui advint plus tard
Quant un vàlèt des paysants se r'aproche
Cha-qu-un disoit voila un des pendard
Cès pauvres vàlèts sont en grand embaras
Ils s'assemblerent pour décider que faire
Celui d-Saint Ouen dit ne vous gênez pas
J'ai un bateau qui fera notre affaire

Mon maitre l'emploie pour pêcher du poisson
J'ai vu non loin au nord-ouest une autre isle
Et nous n'avons qu-à faire bonne provision
Pour nous sauver ce sera bien facile
Les voila donc d'accord à bon éscient
De provisions chacun fait pàcotille
Un clair de lune profitant d'un bon vent
Et dans la nuit ils debarque dans l'autre isle

Arivés la trouvant cet isle déserte
Entre les dix ils en font le partage,
Et ausitot ils se mettent en àlerte
Pour àmêner du monde dans leurs parage.
Et lors-que l'isle commença à peupler
Ils envoyerent à l'Evêque petition,
Quil envoyat dix Prètres pour précher
Affin quils pussent avoir l'àbsolution.

Voila donc nos dix pendards et voleurs
Faits honnetes gens par la misericorde
Comme ils étoient maintenant grands seignieurs
On ne leurs à plus réproché la corde
Il parois même quils changerent tous leurs noms
Pour qu-aucun deux ne fut plus reconnu
Et pour les prètres ils bâtirent des maisons
Et des Eglises, cela est bien connu.

Les émigrants vénant de Normandie
Vinrent s'établir presque tous à Jersey
Et cest le vieux langage de chaque patrie
Qu-est le pàtois dont je vais faire l'éssai
Les émigrant venant de la Bretagne
A Guernesey alloient de préférence
Des Biscayens et même jusque de l'Espagne
Donc les patois ont une grande différence

Jerriyais

Lorsque Jerry fut assaies ben peupliais
Y démandirent à l'Evê un Doyen
L'Evêque résponds, oui si vous ètes assaies
Pour le paiyi sans qui ne men couôte rein
Puis-qu-ou z-avais une douzênne de paroisse
Et que tout va par douze dans notre Eglise
Car ch'est ainchin dans tout not Diocese
Je vous l'accorde et qui Dieu vos benisse

Guernesiéz

Mais chun-na fut bientôt portaï en Guernesy
Et v-la la jalousie qui l üs monte au chérvèt
Pour-qué que j-nerême pouin un doyen comme Jerry
Et chacun de repondre mais chèst vrai en éffèt
Et sitôt y que-menchirent à faire une pétition
Pour l'enviaï à l'Evêque pour d-mandaï un Doyen
Et nou faissoit la merque x de maison en maison
Bien p-tit savoient écrire et accouore pas trop bien

Francais

Mais l'Evêque leurs dit vous n'avez que dix paroisses
Et il en faudroit douze pour faire un Doyenné
Cest la regle invariable partout le Diocese
Et de vous refuser je me trouve bien forcé

Guernesiéz

Les v-la donc ér-venus pénauds à Guernesy
Mais si vous avaites oui le monde se lamentaï
De l'islet de lihou un vier se dém üchy
Qui dit gàrçons et gârces qu-est donc que vou-z-avaï
Ichin sus le haut païe javon assaï de laïne
Pour faire un bouen gros cable et jallon hallaï Serk
Pour nous faire une paroisse et les siaens de la pliaïne
S'en vont en faire un autre y sont assaï éxpert

Et partout le bas païe j'irais faire ma tournaïe
Et ramasseraï la laïne encouorageant les gens
Et d'ôve men bouen batet en passant par les braïe
J'irai croquier Aurgny pourvu qui faise biaux tems
Et ne-v-la donc tout l'monde qui se met à l'ouvrage
Et che-n'etoit que chants et rejouisances partout
Quand les cables furent finis pour lüs donnaï couorage
Partout nou-z-entendoit croque le bien lihou

A qu-menchier donc par Serk tous les siaens du haut païe
S'etoient tous rasembliaïs à la pointe Saint Martin
Et lihou prins le cable profitant d-la maraïe
Croqui Serk par le vouèst y's'créoit bien malin
Puis de la y sen fut drèt à la pointe du Vâle
Et les siaens du bas païe étoient tous la tout prèts
Y prins le but du cable et ove le fliot il hâle
Et y croqui Aurgny par le but du sur-vouèst

Tous les siaens du bas païe pour hàllai comme y faut
Chantoient hâle Piere hâle frère hâle Jean Auregny viaent
Et les siaens du haut païe chantoient accouore pus haut
Et la seule différence y disoient Serk sen viaent
Puis nou-zoui un grand cras et is fit un grand jerk
Et chacun demandoit ou-est qu-est donc lihou
Il étoit en Aurgny nou véyoit le but d'Serk
Ove une grande brecque ouvert et nou l'apli brechou

Ils enviyrent petit Jean avec un autre batèt
Et y recroqui Serk drèt au but du sur-vouèst
Y s-minrent donc ar-hàlaï et tout le monde chantoit
Car is-faisoient bien seur de l-tenir bien chut faiés
Mais v-la un autre grand crac allaï vée qu-est-quést quées
Serk est accouore rompu in-tient que par un riaen
Il y-avoit une fiere brecque nou l'apli la coupée
Et l-morcet petit Serk à lhonneur de p-tit Jean

Mais il est tems de vée chuque font les siaens du Vâle
Y hàlloient à toute forche et chantoient tous en choeur
Aurgny paraissait v-nir et nou crioit hâle hâle
Mais chnetoit qu-un morcèt arèstai! quaï malheur
Ils avoient àrrachi et traïnaï une distance
Le gros roquier qu-avoit si bien croqui lihou
Et comme les Auregniéz riaient de lüs mé-chance
Ils ont terjous nommaï chut islot croque lihou

Mais y voulurent accouore faire un autre grand éffort
Il y-avoit une grosse rocque au Sud-Est de l'isle
Draite comme une grande chimnaïe et al-était sous l'fort
D'amaraï la le cable étoit chose bien facille
Ils amâre la lüs cable et si bien y hàlirent
Qui firent pliér la rôcque et al-toit toute trembliante
Et le cable glissoit et les Auregniéz den rirent
L'ont de-puis chu tems la appelaïe la pendante

Justement à l'instant qui pensoient reusir
Des gens tous éssoufflaïs lüs cry-irent àrestaï
Vous allaï pour Aurgny! y ne veur pas venir
Et chèst de Guernesy! qu-un morcèt vous rompaï
La maïr y passe deja vous fraï bien d'àlaï vée
Et la brecque s'àgrandis à mesure que nou hâle
Quand y vinrent pour passaï ils y salirent lüs brées
Chèst pour chunna qui fut nommaï le brées du Vâle

V-la donc tout en déroute* et les biaux plians manquis
Nou ràmâsi les cables et nou sauvi la laïne
Juste dans chu moment la un Prètre débàrquis
Apportant de l'Evêque une lettre de faveur pliaïne

Pour s'arenger dit il: il y à un moyen
D'Auregny et de Serk on à fait deux paroisses
Ainsi en voila douze vous auréz un doyen
Et ce jour fut gardé comme un jour d'allégresse

finalle

Ainsi finis l'histoire cest un conte à faire rire
Il y à des mensonges et quelque verité
Ceux qui en furent auteurs je ne peux vous le dire
Des morceaux çi et la que j'ai bien ramassé
Et j'ai mis tout ensemble pour en faire cet histoire
Cetoit assez facile comme je connois les lieux
Et n'ul en la lisant n'est obligé di-croire
Mais pour vous amuser j'aurai fait de mon mieux

Huntly Place ce 15 Septembre 1866
N Bott


*on nomma la déroute la mer par ou lihou passa pour aler croquier Serk parce que le cable y fut entrainé par la marée entre Serk et Jersey


 

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La Société Jersiaise

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