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 Vues de Jersey 
(Sonnets sans retouches)
 
 I 
 
La Place Royale (de jour) 
 
Sur un socle banal à la banale stèle 
Mesquin, bien que doré du haut jusques en bas, 
Le roi George est campé. - On sait qu'il ne fut pas, 
Dans le marbre ou l'airain, taillé par Praxitèle. 
 
Sur l'asphalte, à l'entour, on voit la clientèle 
Si chère aux gens de loi, vaguer; les avocats, 
Affairés, prendre langue en faisant les cent pas; 
Puis, groupés, des messieurs dont l'importance est telle: 
 
Députés et Recteurs, Juges et Connétables. - 
C'est là que, chaque jour, sans trêve et sans arrêt, 
On critique les Lois, on blâme quelque arrêt... 
 
Cependant que des chiens, de moeurs fort discutables, 
Au pied du monument - et non certe à regret - 
S'oublient à des levées de patte insupportables. 
 
II 
 
La Place Royale (de nuit) 
 
Alors que sur tout s'étend la nuit sombre, 
Apparaît soudain, passe et disparaît 
Un couple pressé, voulant, très-discret, 
Trouver en la Place un coin noyé d'ombre. 
 
On voit là, du sol, jaillir sans encombre 
Les fleurs du trottoir fanées, sans attrait, 
Offrant leurs faveurs.. et le mal secret 
Aux tristes amants raccolés en nombre. 
 
Tel se plaît un faune, en les bois touffus, 
Aux mots que, troublés, les amants confus 
Murmurent tout bas, soufflant dans l'espace; 
 
Le Roi George, aux yeux de qui tout se passe, 
Semble être un heureux satyre à l'affut 
Des vices du Temps, dont il ne se lasse. 
 
 
Sun 
 
Chronique de Jersey 29/1/1898 
 
  
  
  
 
  
  
  
  
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