De l'Île de Jersey coquette métropole,
St.-Hélier a conquis l'exclusif monopole
Du commerce, et partout règne dans la cité,
Un luxe merveilleux avec raison vanté.
Voisin avec Le Geyt dont la riche industrie
A nos yeux éblouis, sous mille aspects varie.
Puis Noël et Porter, ces habilles tailleurs,
Exhibent à l'envi leurs brillantes splendeurs;
En bijoux transformé, dans nombre de vitrines,
Scintille le granit aux couleurs argentines,
Et chaque visiteur peut aisément s'offrir
De ce produit de l'île un joli souvenir.
Quand vers le soir on voit une foule pressée
S'épandre en flots épais dans la ville animée,
On se croirait vraiment tout à coup transporté
Dans le grand mouvement d'une vaste cité;
Et lui-même Paris, la fière capitale,
Trouve dans St.-Hélier sa modeste rivale.
Au-dessus de la ville, et loin de tous les bruits,
Vous pieux exilés que la France a proscrits,
Vous avez, évitant la haine populaire,
Recueilli dans ces lieux un abri tutélaire,
Libres sur ce sol libre, où vous pouvez encor
Verser de vos leçons le précieux trésor.
Mais des religieux le monument austère,
N'est certes pas le seul dont la cité soit fière;
Fastueux monument surgit non loin de là,
Le Collège fameux nommé Victoria,
Ainsi décoré du nom de l'auguste Reine
Par l'amour que Jersey porte à sa souveraine.
Le Pouvoir est ici du moins for respecté,
Et ce respect s'allie avec la liberté.
Chaque religion, et chaque secte unie
A temple avec chapelle; ô touchante harmonie!
Partout le calme règne, et les cultes sacrés
Bien que divers entr'eux, y sont tous tolérés,
Et l'on ne voit jamais le Protestant biblique
Y déclarer la guerre au culte catholique.
Au palais de Justice, avec solennité,
Siègent des magistrats élus par la cité;
Pour eux, le pays est franc de toute dépense,
Le devoir accompli, voilà leur récompense!
On ne remarque pas d'inutile Préfet
De sa grasse prébende écrasant le budget;
Mais on voit qu'en tous lieux règne un ordre admirable
Grâce aux soins gratuits d'un zélé Connétable.
Jules Lancelin
Jersey, 1er Septembre 1886
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