Les Pages Jèrriaises

Dialogue entre deux Patriotes Liberaux

A l'Editeur Du Constitutionnel.

Monsieur,
La scène amusante qui suit, eut lieu Samedi matin dans la Grande-Rue, entre deux PATRIOTES LIBERAUX que le public reconnaitra, dans le Dialogue suivant, que je vous prie d'insérer dans votre estimable journal:

M. George, trépignant, et dansant de colère à la vue de son ami Pierre.

Eh! bain pargui !! quest que tout chonchin veut dire,
Ah! qui vilain libelle que Philip a fait écrire
Quand il était mâri, au sujet de Mc.Donel,
Et que quiquns ont mins sus l'Constitutionnel,
Damy!! ... chain qui me foit enragi et quasi afoler,
Chest de vais qu'ou faites le public se rappeler
Que quand i faut tromper je peux faire le malade
Manqui à ma parole ! perdre un camarade ;
"By George! By George! I wont stand it."

M. Pierre, en ricanant.

Morbleu!! Comment ... Hé bien ... Do tell me! What is it?
Eh! de quoi s'agit-il, calmez votre colère ;
Vous sautez, vous dansez, parlez que je suis sincère,
Je n'ai que peu compris, de ce que vous avez dit
Le journal vous picote, je l'avais bien prédit,
Voyons ce libelle ... est-il aussi sévère,
Comme vous le dites, et paraissez le croire

M. George, jouant des bras.

Entrais dans ma boutique, liesis chu Dialogue-là,
Créyous achteu, que je peuse être content de ch'là!!...

(M. Pierre lit, George sauticote, ils se regardent et dansent de colère ... )

M. Pierre avant d'avoir terminé.

J'enrage à l'idé d'être traité en traitre
Quand je fais tout pour vous et pour notre bon Prêtre,
Qui je vous assure, n'a vendu ce cahier!!!
Qua par une méprise, parmi d'autre papier!
Mais voyons maintenant qui doit porter le blâme,
Pour avoir mis au jour, la ruse! ... la trame!! ....
C'est au petit Charles que nous sommes redevables,
D'être ainsi exposés par ces miserables.

M. George.

Ah! tout chu gnolin-là ne fera pas ma fé!
Je veux qu'ou m'expliquiez le traisième versé
Quand ou racontiez tout, et parliez de la ruse
A qui j'avais recours et pour qui nou m'abuse!
Je le jure semnage, souz en refaites autant,
Ou sauterais d'Connétable - ou savais très-bain quand.

Pierre (à part) touchant son bâton de justice.

O! discours accablant ... il est fou ce bon George!
Il ne se contient plus ... de furie il regorge ....

Pierre s'adressant à Georges, aujustant ses lunettes.

Vos menaces offençantes ne m'intimident plus,
Vous croyez m'effrayer, ah, je ne vous crains plus,
Vous n'avez pas le pouvoir de me faire ré-élire,
Le parti est perdu ; qui aurait pu le prédire ?
N'en parlons plus, voyons, vous m'accusez à tort,
Calmez votre colère, ne criez pas si fort.

M. George, s'assied sur le comptoir.

Eh bain! ... ma fé ... viyons, excusais ma colère,
Et sans en dire pus, racqmodons l'affaire,
Je n'en ai dit qu'un mot à Josué Le Bailli,
Deux à mon frère Jean et trois à Jean Chevali
Mais je lus dirai d'en taire lus varvettes,
Car il recontent tout, comme au son de clochettes.

(MM. Pierre et George se donnent un hearty shake hands.)

M. Pierre, content comme un bossu.

Bien! voyons ! mon ami ! je suis embarrassé,
Ce mâtin le journal m'a tant tracassé,
Il me rend incapable d'aller à la Cour
Mais je me console, je ferai un petit tours,
Un qui servira bien, nos amis de Grouville ;
Car ils sont enfoncés, aussi bien que la ville
Mais quant à ce journal, n'y faites plus attention,
Je ne le lirai plus, voilà mon intention ;
Car je ne puis souffrir, toutes les vérités,
Qu'il a mises au jour, mais que j'ai mérités.

M. George, riant.

Ah sa, voulous finir tout votre rabachage,
No nos eslourdais pon au sujet de votre charge,
Je pouerons p'têtre oquo, vos y mettre une gestion!
En nos y prenant bain, sus une certaine question !!

M. Pierre, se frottant les mains.

Ah! vous réjouissez mon esprit accablé,
Votre discours me console ah! oui j'en suis frappé!!
Et je vois maintenant, que vous ferez tant pour moi!!
Que vous me soutiendrez, en dépit de la loi!
Ainsi, adieu, mon ami, je vais être tranquille,
Je vous verrai ce soir à l'hôtel de ville.

JOVIAL.

Le Constitutionnel 26.4.1845


 

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