Saint Helier - Saint Hélyi - Saint Hélier

St Hélyi

Extraits de L'Histoire Ecclésiastique de la Province de Normandie par un Docteur de Sorbonne

La vie de S. Marcou était une merveille et cependant ses disciples avoient le courage de s'en faire un modele. Les plus considérables d'entr'eux furent S. Criou, S. Domard et S. Helier. Les deux premiers s'étoient attachés à lui dès le commencement et l'avoient accompagné dans le voyage qu'il fit à la Cour de Childebert pour obtenir la terre de Nanteuil.

S. Helier n'étoit pas du pays, et la grande reputation de S. Marcou l'avoit attiré près de lui d'assez loin. On a écrit qu'il était de la Ville de Tongres dans le Liegois, né de Parens Nobles et payens. Son père s'apelloit Sigobard et sa mère Lutsegard, celui-là Bavarrois et celle-ci Sueve d'origine. Il y avoit sept ans qu'ils étoient mariés sans avoir eu d'enfans, lorsqu'ils obtinrent ce fils par les prières d'un S. Homme nommé Cunibert, à condition qu'ils le donneroient à Dieu. Cette condition n'ayant pas été remplie par les parens l'enfant âgé de sept ans tomba dangereusement malade; on eut encore recours aux prières du Saint Homme, lequel apres avoir reproché à Sigobard son infidelité, promit la guerison de l'enfant, à condition qu'on le lui mettroit entre les mains pour le consacrer à Dieu. La chose fut éxécutée; l'enfant guéri fut mis entre les mains de Cunibert qui le fit Catéchumene, l'instruisit de la Doctrine Chrétienne et l'éleva à un tel degré de vertu que tout enfant il fut avantagé du don des Miracles. Cependant Sigobart toujours dans l'aveuglement de son infidelité et toujours chagrin d'être privé de son fils, se mit à la tête de le ravoir, et pour y réussir plus aisément, de faire assassiner Cunibert. Il en donna l'ordre, et en même temps ce Saint Homme averti de sa fin prochaine en donna avis à son jeune disciple et lui ordonne de sortir de son pays. "Si je vais vous perdre, mon père," lui dit le jeune Helier, "pourquoi donc ne me baptisez vous pas, pourquoi me laissez vous ainsi dépourvu." Cunibert lui repartit: "Cela est reservé à un autre, mon fils, vous serez baptisé dans un autre Pays et la fin de votre vie sera semblable à la mienne." C'étoit le matin après la célébration des Saints offices, que Cunibert tint ces propos à son Catechumene. Sur le soir lorsqu'il étoit seul en prière et qu'il recitoit le Pseaume centième dans le moment qu'il dit ces paroles du Verset second, " quand, Seigneur, viendrez vous à moi," les Satellites de Sigobart entrèrent et lui coupèrent la tête. Un moment après Helier étant entré le trouva en cet état tenant encore le doigt sur le verset du pseaume qu'il lisoit. Il se jetta en pleurant sur le corps de son maître et après les premiers mouvements de sa douleur il lui donna promptement la sepulture, et se retira. Il marcha, sans tenir de route certaine, au travers des bois, et après une marche très fatigante de six jours, il arriva a la Ville des Morins; c'est apparemment Téroüanne en Artois. Là il passa cinq ans dans une très grande austerité de vie et au bout de ce temps, il en partit pour venir en ce pays chercher St. Marcou. Il le trouva, reçut le Baptême de ses mains et se joignit à ses disciples.

St. Helier ayant demeuré trois mois à Nanteuil auprès de S. Marcou, desira passer en quelqu'autre solitude pour y vivre en Anachorette. S. Marcou y consentit; il lui indiqua pour cela l'Isle de Gersai sur la Côte occidentale du Cotentin, et, lui donna même un guide pour l'y conduire. Ils marchèrent jusqu'à Genets près d'Avranches et de la une petite nacelle les passa dans l'Isle. Cette Isle appellée Gersut or Gersich dans les Actes de St. Helier est appellée Agnus ou Agna dans ceux de S. Marcou. On ne peut dire si Gersai à jamais porté ce dernier nom, ou si peut-être il ne fut point particulier à la Roche de S. Helier qui fait en effet comme une petite Isle séparée de la grande, et qui sous le nom du Saint fait encore aujourd'hui la principale place de toute l'Isle. Les Solitaires y trouvèrent environ trente personnes tant hommes que femmes, et St. Helier signala son arrivée par la guérison d'un paralitique. Il se retira sur cette Roche escarpée où il n'avoit d'autre toit que le ciel, ni d'autre lit que le creux de la pierre. Il y eut seulement pendant ce temps un Disciple qui se rendoit souvent auprès de lui, apparemment pour lui porter ses besoins, on ne sçait si ce fut le guide que S. Marcou lui avait donné ou le paralitique qu'il avoit guéri, on quelqu'autre, car ses Actes sont fort obscurs sur ce point.

Il y avoit déjà trois ans qu'il étoit à Jersai, lorsque S. Marcou après avoir passé son Carême dans la Solitude ordinaire de son Isle et être revenu selon sa coutume célébrer la Solemnité Paschale avec ses frères, quelques jours après pâques resolut d'y passer aussi et d'y visiter le S. Solitaire. Les Religieux de Nanteuil eurent beaucoup de peine à consentir à cet éloignement de leur abbé, mais il leur dit que Dieu l'y appelloit, qu'il devoit evangeliser ailleurs et qu'il ne tarderoit point de revenir à eux. Un S. Prêtre nommé Romard dans ses Actes et qui peut-être est le même que S. Romard, l'un de ses Disciples, le pria de vouloir bien permettre qu'il l'accompagnât dans ce voyage. Arrivés à Jersai ils trouverent S. Helier sur sa Roche, mais si extenué de ses austerités, qu'à peine S. Marcou put le reconnaître. Ces Saints Hommes pleurèrent de joie de se voir et s'entretinrent longtemps des divers pieges que le Démon leur avoit tendus, et des secours qu'ils avaient reçus de Dieu. Ils passoient ainsi le temps dans de Saints Entretiens s'exerçant ensemble à la Prière, et à l'abstinence, lorsque parut sur les côtes de l'Isle une flotte de Pirates qui jetta l'allarme parmi les Habitans. Ces Insulaires se croyant perdus, coururent aux Solitaires, qu'ils regardoient comme des Hommes de Dieu et les conjurèrent de les secourir. S. Marcou leur dit: "ne craignez rien, mes enfans, Dieu combatra pour vous;" puis les bénissant, "allez" ajouta-t-il, "marchez contre vos ennemis." Ils obéirent et s'allèrent hardiment presenter à ces Pirates. Ils commençoient à prendre terre et une petite partie étoit déjà descendue, lorsqu'un vent impétueux qui s'eleva tout à coup remporta les vaisseaux en mer, les dissipa et les fit couler. Ceux qui étoient descendus saisis d'épouvante se tournèrent leurs armes contre'eux mêmes, ou périrent par la main des Insulaires, de façon que de toute cette flotte, composée de 80 vaisseaux et de 8,000 hommes, il n'en resta point un seul pour en porter en aucun lieu la nouvelle. Pendant que tout cela se passoit les Saints étoient prosternés en oraison, et on les y trouva encore quand on alla leur annoncer cette heureuse délivrance. Le Seigneur de l'Isle et les habitans en furent si pénétrés d'admiration et de reconnoissance, qu'ils offrirent à S. Marcou la moitié de leur Isle pour y fonder un Monastère. Le bruit de cet evènement se répandit dans les Provinces voisines et il alla jusqu'aux oreilles du Roi Childebert; ce Prince en benit Dieu et se confirma dans l'estime qu'il avoit conçue de la vertu de S. Marcou. La réputation de ce Saint fit passer à Gersai grand nombre de Peuple de la terre ferme, particulièrement de la Bretagne. Plusieurs qui voulurent y demeurer et apparemment quelques habitans de l'Isle, lui donnèrent occasion d'y fonder le Monastère, en faveur duquel on lui en avoit cédé une portion; d'autres après l'avoir entendu retournoient porter parmi les leurs les salutaires instructions qu'ils en avoient reçues. Enfin après avoir demeuré quelque temps dans cette Isle, formé ces nouveaux Disciples à la vie Monastique et repandu parmi les peuples voisins les Lumières du Christianisme, il voulut retourner à ses Frères de Nanteuil. On ne peut dire à qui il laissa le gouvernement du nouveau monastère, car il paroit que S. Helier ne quitta jamais sa Roche et que S. Marcou remmena, quand il en sortit, le Disciple qui étoit venu dans l'Isle avec lui. C'est tout ce que nous sçavons de ce monastère, dont nous ignorons depuis ce temps l'état et la durée.....

On peut aussi mettre vers le même temps la fin de St. Helier. Il avoit passé sur sa Roche quinze années d'une vie plus angélique qu'humaine, lorsqu'une flotte de Pirates Vandales vint aborder à Gersai; ces Barbares trouvèrent le Saint en prière tout accablé de faiblesse et consumé d'austerités; ils lui coupèrent la tête. Le Disciple qui avoit continué de passer souvent de l'Isle sur la Roche enleva son corps et le mit dans une petite nacelle ou s'étant assis auprès de lui il s'endormit. Pendant qu'il dormoit ainsi la mer emporta la nacelle et à son reveil il se trouva sur une côte qu'il ne connoissoit point. Les habitans de cette côte ayant appris de la bouche de cet homme par quel hazard il étoit là, allèrent en donner avis à l'Evêque qui vint lui-même recevoir le S. corps et le fit transporter en un lieu honorable où il lui donna la Sépulture. Nous ne sçaurions dire ce que c'étoit que ce lieu, car les noms du lieu de l'abord, de l'Evêque, et de la sépulture, qui se lisent dans les Actes du Saint, ne sont pas reconnaissables. Il y a pourtant apparence qu'il ne fut pas porté plus loin que sur les côtes de Normandie ou de Bretagne voisines de Gersai car on ne voit ailleurs que dans ces provinces le Culte de ce Saint établi. On l'honore d'un office double dans le Diocèse de Contances le 16e jour de Juillet qui fut celui de sa sépulture et il a plusieurs églises sous son invocation dans la Province. On l'honore encore d'un culte particulier le 17 du même mois, dans l'abbaye de Beaubec au Diocèse de Rouen, où l'on prétend avoir ses reliques, ce qui feroit croire qu'il y en a eu quelque translation du lieu de leur premier repos.

Charles Trigan
Caen -1759. vol. i.

St Hélyi

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