Saint Helier - Saint Hélyi - Saint Hélier

St Hélyi

De l'Histoire religieuse de l'Île de Jersey

Tout s'exécuta à souhait. Les travaux, poursuivis avec la plus grande activité, furent bientôt terminés; le monastère fut installé et l'école s'ouvrit; cette fondation devint célèbre aussitôt; des clercs de toute la Gaule y accoururent; l'un deux, venu de Tongres, s'appelait Heilig, ainsi dénommé à cause de la sainteté de sa vie, cette expression signifiant saint dans la langue germanique; c'était le futur saint Hélier.

Il était le fils du comes ou comte gouverneur de cette province de la Belgique; quoique païens, ses parents avaient confié son éducation à saint Cunebert; il étonna ses concitoyens par l'ardeur et l'excès de son zèle; le père qui n'avait pas été converti par l'exemple du fils, regretta de l'avoir donné au saint évêque; il résolut de détruire son influence et le fit assassiner.

L'enfant, pénétré d'horreur, prit la fuite; il marcha pendant sept jours à travers les forèts et atteignit Morins aujourd'hui Cassel, où une chapelle abandonnée lui servit d'ermitage; il y resta plusieurs années; il y conquit un tel renom par ses austérités et ses miracles qu'il en fut effrayé; averti par un songe, il s'éloigna de l'Allemagne se dirigeant sur Nanteuil. il se mit sous la direction de saint Marculf, comme lui, d'origine saxonne.

Ce dernier recherchait l'isolement qu'il ne pouvait plus trouver à Nant; il passait de temps en temps dans un de ces petits îlots, connus sous le nom de Dolimon, qui s'appellent aujourd'hui de son nom, séparés par une faible distance de la côte et s'y livrait à la vie contemplative.

Saint Hélier, charmé d'une telle solitude battue par les flots de la mer, demanda à saint Marculf avec une vive insistance l'autorisation d'aller lui aussi vivre en anachorète dans un endroit semblable; l'apôtre lui désigna l'Ile de Jersey et lui donna pour guide Domard, l'un de ses plus fidèles et plus anciens compagnons. M. Gustave Dupont, dans son ouvrage sur le Cotentin et les îles, prétend que les deux saints s'embarquèrent à Genest, petit port de la baie du Mont Saint-Michel; or, cette localité ne pouvait être sur les côtes puisque la baie n'existait pas encore; du reste, le chemin le plus direct de Nant à l'Ile de Jersey était par Coutances d'où la voie romaine conduisait à cette destination.

Ils ne rencontrèrcnt pas plus de trente personnes, selon la légende; cela n'indique pas évidemment que c'était là l'unique population du Jersey d'alors; les insulaires vivaient sans doute dans l'intérieur de l'île à l'abri de travaux de défense en terre appelés hougues en raison des incursions des pirates du Nord toujours disposés à piller ou à massacrer.

Ils trouvèrent une caverne située dans un rocher, d'un accès difficile, fort élevee, qui était alors en pleine forêt et en pleine verdure; saint Hélier aussitôt s'y fixa.

Aujourd'hui, pour s'y rendre, car c'est à côté du château Élisabeth, il faut traverser une grève assez considérable et escalader des roches aiguës et saillantes que la mer recouvre deux fois par jour; au pied de la roche principale dont la crête surmonte le niveau de la mer de trente pieds au moins, un escalier en picrres, fort étroit, en forme de zig-zag, grossièrement construit, composé de quarante marches conduit dans une petite chapelle en roc et en maçonnerie dont la voûte a résisté jusqu'ici à toutes les tempêtes; à gauche, une excavation creusée dans le rocher, servait de lit à l'ermite. Cette caverne est éclairée par une petite ouverture pratiquée dans le côté ouest; en outre, une porte est ouverte sur le côté qui fait face à la mer, et permet d'arriver par quelques marches à la plate-forme où le saint a dû subir son martyre.

Dès que saint Hélier s'y fut installé, Domard revint à Nant; il fit à Marculf une description séduisante du pays et l'informa qu'il lui serait facile de convertir les habitants.

Trois mois après, ils partirent pour Jersey afin d'y fonder un centre de propagande religieuse et une colonie monastique; ils trouvèrent saint Hélier exténué de veilles et de privations: l'âme seule soutenait le corps; l'aspect de cet ermite frappait vivement les insulaires et les préparait à accepter une religion qui enfantait de tels prodiges.

Saint Marculf parcourut l'Ile pour savoir dans quelle région il devait commencer son oeuvre; il fit de nombreuses conversions et fonda un monastère à Bonne-Nuit.

Une incursion de barbares vint interrompre son apostolat: les habitants épouvantés étaient prêts à fuir; Marculf, plein de courage, comprit qu'il devait protéger son peuple; il le rassembla, organisa la résistance et se mit à sa tête; il lui communiqua son énergie et sa confiance en Dieu et le fit marcher contre les envahisseurs malgré l'infériorité du nombre; ces derniers, surpris par cette attaque à laquelle ils ne s'attendaient pas, regagnèrent à la hâte leurs bateaux qui furent dispersés ou engloutis par une furieuse tempête.

On s'étonne à bon droit que les Jersiais aient oublié le défenseur de leur indépendance.

Le progrès de son oeuvre apostolique s'en accrut: tous les coeurs avaient été conquis par son intrépidité et l'habileté de son commandement.

Le gouverneur et seigneur des îles, Loïs Escon, apprenant cet événement, comprit quel secours puissant il pouvait attendre de cet apôtre dont l'ascendant moral produisait de si merveilleux effets et il lui fit don d'une certaine étendue de terres en Jersey.

Saint Marculf avait besoin d'auxiliaires de toutes sortes pour continuer ses travaux apostoliques avec plein succès; il alla les chercher à Nant.

Hélier continuait à vivre dans la pratique du jeûne, de la prière et dans la contemplation; pendant l'absence de Marculf, Notre-Seigneur Jésus-Christ lui apparut et lui dit: "Venez, mon bien-aimé; je vous annonce que dans trois jours vous sortirez de ce monde tout baigné de votre sang."

Son compagnon, Domard, vint le trouver le lendemain matin à marée basse suivant son habitude; il fut désolé d'apprendre cette nouvelle.

Les pirates qui n'avaient pas tous péri surgirent, en effet, disposés à venger leur défaite; Hélier, épuisé de plus en plus, non seulement ne pouvait se mettre à la tête des insulaires, mais n'avait pas la force de se défendre lui-même; pendant que Domard allait au secours des habitants, il se cacha dans le creux d'un rocher car il était accablé par ses macérations et ses flagellations.

Les pirates l'aperçurent et, le voyant tout déchiré, le crurent insensé; l'un d'eux, tirant son sabre, lui enleva la tête; le sang rejaillit de toutes parts et longtemps on crut en remarquer les traces sur ces rochers désormais consacrés par le martyre; les pirates effrayés du forfait qu'ils venaient de commettre prirent la fuite.

Saint Marculf était arrivé à Nant dans un moment favorable à son entreprise; le pays avait étee ruiné et les habitants décimés par les barbares du Nord; un grand nombre de personnes lui offrirent leur concours. Il revint à Jersey avec des moines, des néophytes, des charpenticrs, des maçons, des cultivateurs et se rendit à l'ermitage de son cher disciple; il reçut ses précieuses dépouilles et les fit transporter à Storenas, au confluent de la Marne, du Rhin et du Wahal, où résidait sa famille, et où saint Guillebert, successeur de l'évêque Cunebert leur rendit les honneurs dûs à un saint.

Saint Marculf construisit un monastère sur la grande roche voisine de l'ermitage, et y adjoignit une école; il fit assainir et défricher les environs et cultiver les terres pour assurer l'existence de ses fondations.

Les populations devaient peu à peu se grouper non loin de ce monastère et s'attacher désormais au sol pour ne plus s'abandonner; c'est ainsi, du reste, que sc sont fondées la plupart des villes sous l'ère chrétienne; nous pouvons donc dire avec raison que l'existence historique de Saint-Hélier daté de cette époque.

Baron E. de Demuin 1893

St Hélyi

R'tou à la page d'siez-mé | Back to home page

E-mail: geraint@societe-jersiaise.org